Témoignage – Est-ce que ça n’illustrerait pas aussi bien le travail du clown ?

Me reviennent des propos de Louise Bourgeois, sculpteure que vous connaissez. Est-ce que ça n’illustrerait pas aussi bien le travail du clown ?
« Mon domaine est l’objet de la douleur. Mon corps devient le matériau. C’est à travers le matériau que j’exprime ce que je sens […] L’effroi peut alors faire place à un accueil du vide, de l’absence et généralement du manque […] Mon travail est né de la peur de la chute. Par la suite, il est devenu un art de la chute […] Puis un art de se tenir ici, en ce lieu. »
Louise Bourgeois a pris le temps pour en arriver là. Elle est morte à 99 ans, en 2010, d’un siècle à l’autre. Presque un tout entier !
A chacun peut-être d’éprouver intimement où il en est et surtout par où il en est passé dans son travail, tous ces moments de travail. … « la peur de la chute… un art de la chute… un art de se tenir ici, en ce lieu » Balbutiements, dis-tu Roxane, les palpitations de son cœur, l’écoulement du souffle, inspiration, expiration, la voix qui tonne et résonne, se réserve ou plie.
Et l’écho des autres. Merci à vous tous pour ces 2 semaines. Je ressens depuis ce weekend un vide brûlant et habité, pourvu qu’il soit fécond. Je vous le souhaite aussi.
Encore me revient en « gros plan » le visage de Buster Keaton. Gravité, sa pâleur et dans l’immobilité presque un voile de mélancolie passe, picotements et tendresse, petits éclats dans les yeux sombres et profonds. Le film est muet. Sourd ? Ce visage n’entend plus l’ironie. Les ricanements échouent sur la pellicule et tombent. Au bord du rien le corps se met en mouvement et le rire commence caressant la tristesse. Le film est muet mais le corps parle. Du spectaculaire frôle avec l’invisible. La grâce de l’acrobate nous tient suspendus au fil des micro mouvements de ses muscles.
Un recueil d’Henri Michaux m’a tenu bonne compagnie la dernière semaine. Il est fait d’aphorismes, des pensées sauvages, vertes ou mûres, inconfortables et apaisantes. A ressasser sans ordonnance. Son titre, Poteaux d’angle, m’évoque les angles morts en voiture. A chacun les siens, des lieux peut-être où s’exercent d’autres yeux. Où parfois pointe un autre regard.
« La pensée avant d’être oeuvre est trajet.
N’aie pas honte de devoir passer par des lieux fâcheux, indignes, apparemment pas faits pour toi.
Celui qui pour garder sa « noblesse » les évitera, son savoir aura toujours l’air d’être resté à mi-distance. »
La pensée, sous quelque forme qu’elle prenne, s’exerce avec le corps, je crois. Par corps.
Pourtant ceci me parle bien aussi :
« C’est à un combat sans corps qu’il faut te préparer, tel que tu puisses faire front en tout cas, combat abstrait qui, au contraire des autres, s’apprend par rêverie. »
Bonne route à vous, si contente d’avoir croisé là vos chemins !
Et puis un grand amour d’enfance, Jacques Tati, mon oncle. Un tout petit extrait qui met fait encore rire comme un enfant. https://www.youtube.com/watch?v=LE9t98Gox60
à bientôt ici ou là,
Bulle L. (Stage de La Roseraie, Bruxelles, Novembre 2014)
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