Toute l’eau du déluge n’y suffira pas

Toute l’eau du déluge n’y suffira pas

Création avec Lionel Bécimol, Nathalie Bensard, Laura Benson, Michel Dahan, Hervé Langlois, Catherine Lefevre, André Le Hir, Marianne Russilly et Catherine Vuillez.

Mise en scène : Anne CORNU, Vincent ROUCHE
Dramaturgie : Anne CORNU
Avec : Lionel BECIMOL, Nathalie BENSARD, Laura BENSON, Michel DAHAN, Hervé LANGLOIS, Catherine LEFEVRE, André LE HIR, Marianne RUSSILLI, Catherine VUILLEZ.
Scénographie et lumières : Didier GIRARD

1996 – 1998 – Paris, Conflans-Sainte-Honorine, Bruxelles, Besançon, Montbéliard, Trappes

Toute l’eau du déluge n’y suffira pas.

Ils sont sept hommes et femmes, tombés là par hasard, égarés dans un lieu apparemment indéfini mais qui pourrait bien, soudain, en évoquer de plus précis. Échantillons d’une humanité en déroute, ces sept individus pris en otage, sont épinglés par le regard d’un fieffé lutin qui s’ingénie au travers de sa loupe, à forcer le trait d’un singulier portrait. Haut en couleur. De la comédie humaine le lutin retient surtout les détails. Ceux qui, imperceptibles à l’œil nu, racontent la nature profonde de ce que nous sommes et de ce qui nous fait agir. Il les repère ces petits riens qui en disent long, il les étire et ainsi tire les ficelles. S’ensuit que les non-dits s’emparent des corps. La parole s’affole, les repères s’effritent. L’idée qu’ils se faisaient d’eux mêmes est mise en pièces, la décadence est consumée. Ainsi naissent les clowns. Et l’on rit de se voir si proches en ce miroir ! Solitaires et « sans nom », nos compères se les donnent tous, combinent les prénoms à l’infini pour tenter de s’approcher. Pierre-Alain, Marie-France, Jean-Jérôme… dans l’urgence de la rencontre ils s’empêtrent et font valser les traits d’union. Mais comment aborder l’autre quand tout se dérobe malgré l’effort ? Quand tout échappe : gestes, paroles, objets ? Quand rien n’est fixe, pas même la porte ? Dans un décor en perpétuelle construction, dehors et dedans se confondent, et donnent une vision hallucinée de leur vertige intérieur. Amnésiques ? Pas tout à fait, des bribes de mémoire affleurent mais quand le présent règne en maître, les sensations submergent, le souvenir s’estompe. L’homme social boit la tasse. On frappe encore à la porte qui sépare de l’autre, avant d’entrer. Mais voilà que la porte, sous l’impulsion du désir, se met en marche, que les mains, à peine tendues, se ratent ou s’agrippent, que mots et sons font surgir d’étranges danses, que l’empathie s’en mêle, que l’image de soi se brouille dans le regard de l’autre. Les couples se font, précipités par un hasard heureux, et disparaissent en un éclair faisant place à une autre rencontre, un autre lieu, une autre architecture, une autre histoire. En un kaléidoscope d’images et de situations quotidiennes, par deux, par trois, quelquefois réunis, ils nous content l’étrange désarroi qui nous lie. Avec tendresse, avec humour, car les clowns, eux-mêmes surpris, dans l’instant en font l’aveu. Et de cet aveu en un éclat de rire jaillit toute la légèreté du monde.

Anne CORNU

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