Travailler moins pour gagner plus !

Travailler moins pour gagner plus !

L’air est le véhicule des émotions, des vibrations du son.
Les tensions (physiques) tuent les vibrations, tuent les émotions.

Parmi d’autres, la méthode Feldenkrais invite notamment, par les exercices qu’elle propose, à réduire les efforts inutiles, à se libérer des tensions, des crispations, dans le but de sentir de manière plus subtile, ce qui en nous fluctue.

D’une manière générale, nous faisons beaucoup trop d’efforts pour faire ce que nous voulons faire.

Travailler moins, en fait je devrais plutôt dire travailler juste. Pour gagner plus en clarté, en subtilité d’expression.
En mécanique, les pièces mal ajustées, si entre-elles il y a trop de jeu ou pas assez, finissent par ne plus être efficaces, s’abîmer, voire par rompre.

Le jeu juste donc. Mais qu’est-ce qui joue ?

Pour le jeu, clownesque en particulier, il y a quelque chose d’analogue : sentir, dans le détail, le dessin du corps, pour en avoir une image claire dans le temps du jeu, non seulement du corps, mais du corps dans l’espace, permet de vivre l’image, et de savoir un peu plus l’histoire qui se raconte et non celle que je crois raconter.
Si, par l’impression que j’en ai, je crois que j’ai un corps tendu ou étiré alors qu’il serait, par exemple, rétréci ou tassé, le public ne voit pas ce que je crois donner à voir. Dès lors, je ne sais pas ce que je raconte. Il se peut même qu’il se raconte quelque chose de totalement différent de ce que je crois.

Le public vit à partir de ce qui est donné à voir et à entendre, ni plus ni moins.

Pour ce qui est de la voix, il y a un constat analogue. Il n’y a pas si longtemps, il y avait des répondeurs téléphoniques et quand il fallait écouter les messages, on entendait d’abord sa propre voix énoncer celui que nous avions laissé à l’attention de celles et ceux qui allaient appeler, puis les leurs.
Nombre sont celles et ceux qui n’aimaient pas leur voix, s’entendre était insupportable. Mais il y a une raison à cela : c’est que notre voix la plupart du temps est une voix construite, une voix qui est le reflet de l’image que nous avons de nous, voire de l’image que nous voulons donner aux autres. Ce n’est pas notre voix naturelle. C’est une voix fabriquée, et encore une fois, la plupart du temps, au quotidien, ça ne nous parvient pas. Nous croyons que c’est notre voix.

Alors, comment fait-on ?

Peut-être apprendre à faire le point, comme on dit en photo, pour que l’image soit nette, que le signe deviennent clair et qu’il soit lisible. Ou alors pour savoir quelle est la partie de l’image qui est nette et quelle est la part de flou.
Et si tout est flou ? Si tout est flou, devient lisible que c’est flou. Et on peut aimer ça, jouer avec ça, le flou.

C’est notamment une question de conscience.

Devenir lisible et pour cela apprendre à lire les signes pour ce qu’ils sont et non pour ce que nous voudrions qu’il soit.
Le geste, le son, le mot tels qu’ils sont, tel qu’ils se présentent.

Les filtres sont nombreux.

Quand, dans un jeu qui demande du temps, je dis : « Va t’asseoir ! ». Nombreux sont celles et ceux qui entendent : « Reviens t’asseoir ! ». Il y a là un filtre, une bouffée de scolarité. Et cela nous dépasse la plupart du temps.
Va t’asseoir laisse beaucoup de liberté. Reviens t’asseoir, c’est : obéis à l’autorité.
Avec « Va t’asseoir! », la proposition est bien plus ouverte, elle donne la liberté.

Ne pas croire que l’image est nette si elle ne l’est pas.

Avec le corps, avec le grain de la voix, avec les mots, nous le savons, c’est plus difficile parce que le support se confond avec celui ou celle qui joue, qui produit les actions.

Il y a cette citation de Ushio Amagatsu (danseur Butô et chorégraphe, fondateur de la compagnie Shankai Juku), dans « dialogue avec la gravité » :
« Le corps droit, bien assuré sur ses jambes, lever un avant-bras et le maintenir à l’horizontale. De l’épaule au coude, le bras est relâché. Une légère tension au-delà du coude. Main ouverte, doigts allongés, sauf le pouce et l’index dont les extrémités se touchent en formant un rond. De ces doigts, tombe à l’aplomb un fil imaginaire au bout duquel une miniature de moi-même est suspendue. Comme si j’actionnais une marionnette, comme si je me manipulais moi-même. Inversement, à la verticale de mon corps (réel), en surplomb sur l’axe qui le traverse, un moi géant me tient suspendu à son fil. Trois corps sont ainsi en présence : moi miniature, moi grandeur nature, moi géant, ainsi que deux verticales virtuelles. La conscience du moi réel, du moi intermédiaire, m’actionne moi-même en même temps qu’elle est elle-même actionnée par moi. Les deux verticales virtuelles sont très délicates et c’est avec précaution, « lentement », « soigneusement », que je progresse afin de ne pas les rompre. En marchant, je me transporte et suis transporté. Ma conscience virtuelle viendrait-elle à s’effondrer, autrement dit les deux fils, celui avec lequel je me soutiens moi-même et celui par lequel je suis soutenu, viendraient-ils à se rompre, qu’immanquablement mon corps, entraîné par la pesanteur, s’écroulerait, vide de toute force sur le sol. Mouvement d’un instant qui me livrerait à un principe agissant extérieur, déposséderait mon corps de toute volonté. Car le fait de se mouvoir pour l’homme est un acte autonome (relève d’une volition). »

Être conscient ne suffit pas.

Se retrouver en état d’idiotie, cet état où soudain quelque chose de clownesque apparaît, demande bien du travail, mais un travail juste. Cela demande du simple. D’être simple.

C’est un voyage, et je propose de vous y accompagner.
Le voyage d’une pensée à partir des sensations, car il ne s’agit pas de seulement sentir.
Il s’agit de sentir et de penser les sens.

Et puis du jeu, parce que ça joue.

Avec plaisir, je vous attends.

Vincent Rouche

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